Que dirait Norbert Elias du constat d’Alain Bauer ? Selon l’analyse classique du sociologue allemand, le processus de civilisation se caractériserait par un adoucissement des mœurs et le progrès conjoint des sciences et des arts. Montée des violences, déclin scolaire et enlaidissement du territoire semble à l’inverse caractériser la France du 21ᵉ siècle. Lundi 26 février, un adolescent de 17 ans a été poignardé à plusieurs reprises à Quincy-sous-Sénart en Essonne. Ses agresseurs, qui étaient cinq ou six, selon Le Parisien, ont pris la fuite avec son téléphone portable. Ce même jour à Nîmes, les enseignants d’une école primaire de Nîmes décidaient d’arrêter les cours pour protester contre l’insécurité et le trafic de drogue qui sévit autour de l’établissement. Une fusillade avait eu lieu à proximité le 7 février dernier. Cette semaine encore, des étudiants résidents dans une résidence du CROUS du 13ᵉ arrondissement témoignent dans Le Figaro étudiant de la hausse des tentatives de cambriolages et des squats. À Nîmes encore, mardi soir, un homme a été tué par balles près d’un point de deal alors que son fils de huit ans se trouvait à côté de lui dans son véhicule. La liste est sans fin. D’après un sondage récent de Statista 60% des Français se sentent en insécurité dans leur pays.
Un chiffre qui n’a pas de quoi surprendre le criminologue Alain Bauer, peu enclin à reprendre l’antienne du « sentiment d’insécurité » chère à la gauche. « La volonté de faire passer un climat de violence pour un sentiment d’insécurité est une des formes du déni par les mots et du refus des faits qui construisent la perte de confiance dans les institutions en charge de protéger. » déclarait-il le 24 janvier dernier dans un entretien au Figaro. Dans son dernier ouvrage, « Tu ne tueras point », il analyse les causes d’une explosion des homicides et tentatives d’homicides en France depuis plusieurs années. Selon lui, aujourd’hui « On tue pour tout et n’importe quoi. », « La violence devient une musique de fond qui pourrit le quotidien« . Cet essai est le second opus d’une série de livres consacrés à ce que Bauer nomme « la globalisation piteuse ». Comprendre : la face noire de la mondialisation, la face niée par les idéologues de la mondialisation « heureuse » (pour reprendre le titre d’un essai d’Alain Minc).
Alain Bauer : globalisation piteuse contre mondialisation heureuse
Par le concept de « globalisation piteuse », Alain Bauer s’en prend à la conception irénique d’un monde sans frontières, où les pays seraient ouverts aux quatre vents. Dans un entretien au JDD, il explique que ce concept est : « Une remise en cause des illusions nées de la pseudo-globalisation heureuse qui avait supprimé amis et ennemis, alliés et adversaires pour les remplacer par des Bisounours consommateurs ou des touristes vivant dans un Erasmus géant. Si tout n’est pas à jeter de l’ouverture au monde, la fin de la frontière, de la borne, des limites physiques comme morales ou éthiques a permis une vraie déconstruction sociale. Le résultat est piteux. »
Sur un demi-millérnaire indique-t-il, les homicides ont considérablement baissé, c’est indéniable. Mais précise-t-il, un seuil a été atteint en France en 2011-2012. À partir de là, la tendance s’est inversée. « En matière d’homicidité (homicides et tentatives qui ne sont que des homicides ratés), l’année 2023 bat des records historiques. Le nombre d’homicides repasse la barre des 1 000, chiffre non atteint depuis un quart de siècle, et les tentatives dépassent les 4 000, chiffre jamais atteint depuis que l’outil statistique les prend en compte, soit près de quarante ans. Mais il faut noter que c’est l’ensemble des phénomènes de violences physiques qui progressent en 2023. » Autrement dit, depuis une dizaine d’années, la France est en proie à un phénomène d’ensauvagement. En novembre 2023, la Fédération française de tir sportif enregistrait une augmentation de 72% de ses inscriptions en 10 ans. Une conséquence du sentiment d’insécurité ? Un scepticisme de plus en plus marqué envers la capacité de l’État à juguler le crime ?
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