Le 25 janvier dernier, le Conseil constitutionnel, avait massivement censuré la loi immigration, l’amputant de près de 40% de son contenu. Trente-deux dispositions de fermeté, obtenues par la droite après d’âpres négociations, avaient été retoquées au motif qu’elles étaient des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire des dispositions sans lien avec un projet de loi censée réguler l’immigration. Parmi ces mesures, certaines étaient hautement symboliques, comme celles concernant le durcissement du regroupement familial, le droit de séjour des étrangers avec la « caution retour », mais aussi durcissement de l’accès des étrangers aux prestations sociales (aides au logement, allocations familiales…), la délictualisation du séjour irrégulier et la fin de l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence. Alors que trois quarts de l’opinion souhaitent un renforcement dans la lutte contre l’immigration de masse, la décision du Conseil constitutionnel avait provoqué la sidération, la consternation à droite, et une grande satisfaction à gauche. La volonté du conseil, dit « des Sages », pose, pour de nombreux observateurs, un sérieux problème démocratique. Laurent Fabius, tête du Conseil constitutionnel, estime « la remise en cause des institutions » « très préoccupante ».
Le Conseil constitutionnel et les « portes étroites »
Même si le texte avec les amendements ajoutés par la droite ne changeait rien sur le fond, puisque le regroupement familial était encore autorisé et que la disposition avantageuse concernant les métiers « sous tensions » constituait un appel d’air considérable, la décision du Conseil constitutionnel soulevait la question d’une politisation à peine voilée à gauche. Partant, l’attention s’est également portée sur le fait que le Conseil d’État et la Cour des Comptes, sont, eux aussi, dirigés par des socialistes. Or, selon Nicolas Pouvreau-Monti, le Conseil constitutionnel a reçu le concours d’associations, d’universitaires et de juristes extérieurs qui n’auraient pas peu influé sur le résultat : « peu de commentateurs ont noté que cette décision répondait aussi aux vœux d’un vaste ensemble de « contributions extérieures » adressées au Conseil constitutionnel durant son examen. Il s’agit là d’un dispositif méconnu, aussi désigné par le nom traditionnel de « portes étroites », permettant à un ensemble de parties extérieures au Conseil de partager avec lui leur avis quant à la constitutionnalité d’un texte de loi qui lui est soumis pour appréciation a posteriori – c’est-à-dire après son adoption parlementaire. »
Étant non formalisée, l’influence de ces « portes étroites » demeure dans l’ombre. Elle n’est pas nouvelle, mais précise Pouvreau-Monti : « depuis 2019, le Conseil a choisi de diffuser systématiquement leur contenu dans une démarche de transparence. » Parmi elles, on retrouve sans surprise les associations subventionnées à coup de millions pour l’évaluation et l’accueil des clandestins : France Terre d’Asile, la Cimade, la Ligue des droits de l’homme. Grassement pourvues d’argent public, elles n’ont pas intérêt à ce que le tarissement des flux migratoires mette sur la paille leurs travailleurs sociaux. On retrouve également le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature (dont l’empreinte très à gauche est de notoriété publique), mais aussi le Conseil national des barreaux ou la Conférence des bâtonniers, l’Association française du droit pénal et nombre de professeurs d’université. Le président de l’Observatoire sur l’immigration et la démographie conclut : « Un tel rouleau compresseur s’inscrit dans une stratégie de longue haleine : celle du lawfare – la « guerre du droit » – comme instrument privilégié des partisans d’une immigration plus nombreuse et moins contrôlée. Depuis au moins le premier arrêt Gisti (du nom de ce groupe d’avocats militants) rendu par le Conseil d’État en 1978, ayant conduit à l’annulation d’un décret visant à restreindre l’accès au regroupement familial récemment institué, cette approche n’a cessé de prouver son efficacité. Plus qu’une prise de pouvoir par de seuls magistrats, le « gouvernement des juges » en matière migratoire est aussi devenu celui des minorités activistes. Aucune démarche visant à replacer la question de l’immigration dans le champ normal de la délibération démocratique ne saura donc faire l’économie d’une confrontation politique avec celles-ci. »
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