Gérald Darmanin a été reçu les 14 et 15 février 2024 en Arabie Saoudite à l’invitation de son homologue le Prince Abdelaziz bin Saoud bin Nayef. Selon le communiqué de l’ambassade de France, ce voyage avait pour objectif un « approfondissement de la coopération dans leur domaine », c’est-à-dire la lutte contre le crime organisée, le trafic de drogue et le terrorisme, la gestion des grands événements, la sécurité des frontières et la protection des sites touristiques. Les deux ministres de l’Intérieur ont signé un « plan conjoint d’initiative et de coopération ». Gérald Darmanin s’est également entretenu avec « Abdullatif Bin Abdelaziz al Sheikh, ministre saoudien des Affaires islamiques, au sujet des questions culturelles d’intérêt commun et de la lutte contre le radicalisme, l’extrémisme et le terrorisme. Il a aussi rencontré Mohamed Al Issa, le secrétaire général de la Ligue Islamique Mondiale.
Gérald Darmanin s’est-il renseigné sur la Ligue Islamique Mondiale ?
Depuis l’arrivée à sa tête de Mohamed Ben Salmane en 2015, le royaume entend donner de lui une image moderne et rassurante. Désormais, les femmes ont le droit de conduire et peuvent, sous condition, sortir seules. Les cinémas et les salles de concert sont autorisés. En effet, depuis les années 70, l’Arabie Saoudite s’est fait le principal diffuseur de l’idéologie wahhabite-salafiste dans le monde, ce qui a fait dire à l’écrivain algérien Kamel Daoud que l’Arabie Saoudite est un « Daech qui a réussi ». Le rôle avéré de l’Arabie Saoudite dans l’expansion de l’islamisme le plus dur n’a pas empêché Mohamed Al-Issa, secrétaire général de la Ligue Islamique Mondiale, d’affirmer, dans une interview au JDD, qu’il « n’existe pas de doctrine wahhabite« . Cette doctrine serait imputable aux seuls ignorants et aurait toujours été mal interprété pour salir l’Islam. Si le royaume se présente comme un champion du dialogue des religions et des civilisations, les églises et les synagogues sont strictement destinées aux étrangers, les Saoudiens ne pouvant pas choisir leur confession. L’apostasie, le prosélytisme chrétien et le blasphème sont toujours interdits et punis de mort.
Double jeu de la Ligue Islamique Mondiale ?
Officiellement, la Ligue Islamique Mondiale, promeut la défense d’un Islam modérée, la lutte contre le terrorisme et dénie tout intérêt direct avec l’Arabie Saoudite. Pourtant, la Ligue, reconnue par l’ONU, a été fondée en 1964 par le roi Fayçal. Elle s’est donnée pour mission la défense des minorités islamiques dans les pays non musulmans et l’animation d’activités missionnaires. En 50 ans, elle a dépensé 80 milliards de dollars pour propager le salafisme. D’après Pierre Conesa, ses trois grands axes d’actions sont les tribunaux islamiques, les écoles coraniques et la formation des Imams. Son siège est situé à la Mecque. Sa charte précise : « Nous, États membres, affirmons notre conviction qu’il ne saurait y avoir de paix dans le monde sans l’application des principes de l’Islam. » Al-Issa affirme que l’Arabie Saoudite entend ne plus intervenir dans la gestion des lieux de cultes, la formation d’imams en France, mais remettre ses deux points aux responsables locaux. Il s’est désolé de la décapitation de Samuel Paty et s’est rendu à Saint-Etienne-du-Rouvray où le père Hamel a été égorgé. Pour lui, : « L’assassinat du professeur d’histoire et de géographie Samuel Paty est un horrible crime terroriste, et en aucun cas un musulman digne de ce nom ne pourrait commettre un tel acte. Cet extrémiste qui a commis ce meurtre ne représente en rien l’Islam, il est plutôt le porteur d’une idéologie terroriste qui l’a incité à commettre ce crime. »
Rappelons que Samuel Paty a été décapité pour avoir montré à ses élèves, lors d’un cours sur la laïcité, les caricatures du prophète réalisées par Charlie Hebdo. En 2006, la Ligue Islamique Mondiale avait pourtant poursuivi, aux côtés de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF, Frères musulmans) et de la Grande Mosquée de Paris, Charlie Hebdo, en raison de ces mêmes « caricatures de Mahomet ».
Merci à Mohamed Abdelkrim Al Issa, Secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, pour l’entretien constructif que nous avons eu, au cours duquel nous avons abordé des sujets majeurs comme la laïcité à la française, la formation des imams de France et la lutte contre les… pic.twitter.com/Frvjjrb2i7
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) February 15, 2024
Qui est le secrétaire général de la Ligue Islamique Mondiale ?
Mohamed Al-Issa a été de 2009 à 2015 le ministre de la Justice de l’Arabie Saoudite. En 2019, sa venue à Lyon pour l’inauguration de l’institut français de civilisation musulmane (IFCM) au côté de Christophe Castaner, avait créé la polémique. En 2012, il avait permis la condamnation à 1000 coups de fouet et 10 ans de prison de Raif Badawi, jeune blogueur saoudien, défenseur des droits de l’homme. L’Arabie Saoudite dépense 1,5 million d’euros chaque année pour entretenir l’institut de Lyon, situé juste à côté de la mosquée. En 2020, Al-Issa a été le premier haut responsable musulman à se rendre à Auschwitz pour le 75ᵉ anniversaire de la libération des déportés. Ministre de la Justice, il a approuvé les exécutions sauvages en place publique de 149 personnes en 2018, de 140 en 2019, dont un crucifié. Il n’a pas dénoncé les fondements juridiques, présents dans la charia, de ses exécutions barbares. Sur son compte X, Gérald Darmanin s’est félicité. Sa rencontre avec le chef de la Ligue Islamique Mondiale. Il s’est félicité d’un « entretien constructif (…) au cours duquel nous avons abordés des sujets majeurs comme la laïcité à la française, la formation des imams de France et la lutte contre les ingérences étrangères. » Ce dialogue « franc et respectueux » avec une des principales organisations islamiques du monde est, selon Gérald Darmanin, « plus que jamais nécessaire », à « l’heure de la désinformation ».
Consulter les dernières actualités internationales