Il a retiré sa vidéo aussitôt la polémique propagée comme une trainée de poudre. Signaler dimanche pour les propos qu’il y tient, l’imam fait désormais l’objet d’une procédure d’expulsion. Le ministre de l’Intérieur a demandé le retrait de son titre de séjour. « Sur mon instruction, les propos de cet imam ont fait l’objet d’un signalement cette semaine au procureur de la République par le préfet du Gard. J’ai demandé le retrait de son titre de séjour en vue de son expulsion du territoire. Aucun appel à la haine ne restera sans réponse », a indiqué le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur son compte officiel X, ce dimanche 18 février 2024.
Dans un discours au ton millénariste, le prédicateur musulman prêchait à ses ouailles l’arrivée prochaine de « Al-Mahdi » qui réunira tous les musulmans. « Il va s’autoproclamer et là tous les gouverneurs dans toutes les gouvernances vont chuter. On aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent, qui nous font mal à la tête, qui n’ont aucune valeur auprès d’Allah, la seule valeur qu’ils ont, c’est une valeur satanique », il ajoutait : « Voyez tous ces drapeaux qu’on a dans les matchs. […] C’est des drapeaux sataniques qui ne valent rien. Ceux qui les ont imposés, c’est simplement pour qu’on se déteste, qu’on ne s’aime pas, qu’on mette la haine dans nos cœurs. » Un style qui rappelle le tristement célèbre Iquioussen.
L’imam Mahjoubi était surveillé depuis le 3 octobre 2023
Qui est Mahjoub Mahjoubi, l’imam de Bagnols-sur-Cèze ? De nationalité tunisienne, l’homme habite en France depuis 30 ans. Il est marié et a deux enfants. Son titre de séjour est valable jusqu’au 7 août 2029. Pour devenir imam, il dit s’être formé seul en Arabie Saoudite. Pour rappel, ce pays s’est fait, depuis les années 70, le centre de diffusion du salafisme, cette idéologie qui inspire l’islamisme intégriste partout dans le monde. Accusée d’ingérence en raison de ses gigantesques investissements en vue d’islamiser à la mode wahhabite, l’Arabie Saoudite prétend aujourd’hui avoircessé de former des imams étrangers.
Accusé d’extrémisme et d’appel à la haine, l’imam se défend. Son avocat Samir Hamroun prétexte une mauvaise maîtrise du français, lui parle de « lapsus », de « maladresse de langage », de « propos qui dépasse sa pensée« . Jérôme Bonet, le préfet du Gard a visionné l’entièreté de la vidéo. Il répond avec ironie à l’imam, soulignant au passage que ce dernier s’en prend également ouvertement aux Juifs et aux femmes: « C’est un lapsus qui dure une dizaine de minutes et qui ne touche pas qu’à la question du drapeau, mais aussi à la place de la femme et du peuple juif qui est vu comme un ennemi« .
En vérité, la surveillance de Mahjoub Mahjoubi a commencé le 3 octobre dernier. La mosquée Ettaouba de Bagnols-sur-Ceze est observé scrupuleusement pour son accueil pour mineurs. Celui-ci est fermé le 9 novembre. Deux raisons ont motivé cette décision : l’absence de projet pédagogique et des problèmes de sécurité d’incendie. Deux cours étaient proposés aux mineurs : l’arabe et l’enseignement coranique. Les quatre enseignantes ont expliqué être qualifiés au Maghreb. Deux signalements à la justice ont ensuite été réalisés par la préfecture. Le premier a été fait le 3 novembre pour gestion frauduleuse d’une entreprise, Provence Villa. L’imam était interdit de gestion depuis 2015. C’est sa femme qui avait formellement pris le relais, mais il officiait toujours en coulisse. Le deuxième signalement a été réalisé, le 17 janvier, concernant la gestion administrative de la mosquée, et en particulier le montant du loyer versé à la mairie.
La Convention européenne des droits de l’homme pourrait interférer
Mahjoub Mahjoubi estime que son expulsion serait injuste et qu’elle lui ferait « mal au cœur« , car il a toujours « défendu les valeurs de la France« . Il jure avoir toujours condamné les attentats islamiques. En clair, il se présente comme un imam modéré, intégré, bienveillant. Même si la décision devait lui être défavorable, il rassure : « Je continuerai à aimer la France. Je dirai que j’ai été expulsé à cause d’un lapsus. ». Aux gens qui se demandent qui il est, il déclare : « Je leur réponds que je suis membre du dialogue interreligieux. » Son Islam serait une religion d’amour, de tolérance et de paix.
Nonobstant, l’expulsion l’imam « anti-France » sera compliquée, explique le Figaro. Maître Hamroun, son avocat, aura quinze jours à partir de la réception d’expulsion pour se saisir de la Commission départementale d’expulsion des étrangers. Les magistrats devront évaluer le risque à l’ordre public que constituerait la présence de l’imam qui n’aime pas les drapeaux sur le territoire. En outre, l’imam vit en France avec sa femme et ses deux enfants. Une expulsion de ce dernier pourrait se heurter à la Convention européenne des droits de l’homme, et notamment de son article 8 qui énonce que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». L’Union Européenne pourrait être sa chance.
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