Des djihadistes apprennent-ils à lire et écrire à nos enfants ? Lundi 26 février, Sofiane O., instituteur franco-algérien chargé d’une classe de CP, a été interpellé à Drancy. Il exerçait à l’école Jean-Pierre Timbaud et aimait chanter. Précisément, la DGSI lui reproche, après analyse de son ordinateur, d’avoir enregistré et transmis, en vue de leur diffusion, cinq « nasheeds », des chants religieux musulmans utilisés systématiquement par l’État islamique dans ses vidéos de propagande. Ces dernières circulent allégrement sur les réseaux sociaux et participent à l’islamisation djihadiste. À titre d’exemple, la petite amie de Radouane Lakdim, le terroriste de Trèbes, auteur notamment de l’égorgement d’Arnaud Beltrame, avait avoué récemment, lors du procès de l’attentat de 2018, qu’adolescente, elle regardait régulièrement, fascinée, ce genre de vidéos.
Le prévenu jure avoir à cœur les « valeurs de la République »
L’instituteur franco-algérien a été mis en examen et placé en détention provisoire. Il est inculpé par le parquet national antiterroriste, pour association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des «crimes d’atteintes aux personnes». Selon les autorités, il aurait non seulement chanté, mais aussi traduit ces chants islamiques en français. Il transmettait ses audios à des cadres de Daech. L’un d’eux aurait été diffusé sur le principal canal de propagande de l’État islamique. L’instituteur de 26 ans, titulaire depuis 2021, faisait plus. Il propageait sur les réseaux sociaux de la propagande islamique. Observé par les services depuis plusieurs années, il a suivi un cursus de langue arabe à l’Institut européen des sciences humaines de Saint-Denis.
Ce n’est pas la première fois que cet institut de langue arabe est accusé d’abriter des djihadistes. Inès Madani, condamnée à trente ans de réclusion criminelle pour avoir tenté de faire exploser une voiture près de Notre Dame de Paris en septembre 2016, y avait également fait ses classes. Lors de sa garde à vue – à l’instar de Mahjoub Mahjoubi, imam tunisien récemment expulsé pour ses prêches haineux à l’égard des Juifs, des femmes et du drapeau tricolore – a affirmé être attaché aux « valeurs de la République ». Se confondant en excuses, il assure avoir été « sous emprise ». En guise de bonne foi, il promet avoir fait respecter la minute de silence, suite à la décapitation par un djihadiste tchétchène, du professeur d’Histoire Samuel Paty.
Un instituteur pépère d’après son entourage
Jeune père de famille divorcé, l’instituteur était retourné vivre chez ses parents. Ceux-ci l’entendaient régulièrement chanter, mais ne s’inquiétaient pas outre mesure, estimant qu’il chantait des versets coraniques. Il est décrit comme assez immature, capable de regarder des dessins animés puis des vidéos de décapitation. Pourtant, ses connaissances l’assurent, Sofiane est un garçon tranquille et sans histoire. Auprès de nos confrères du Parisien, l’un de ses proches affirme qu’«on ne lui a jamais rien reproché au niveau professionnel». Un autre indique qu’il «mène une existence pépère entre son travail à l’école (…) Il est apprécié par ses collègues, ses amis et évidemment sa famille». Son avocate, Me Florence Rouas, l’a décrit de son côté comme «un enseignant parfaitement intégré dans la vie française», marié et père de famille. « C’est à peine s’il se rend à la mosquée quelques fois par an, a-t-elle assuré. Dans la vie de tous les jours, il est sympathique et même attachant.»
Ce fait divers rappelle l’énorme problème du recrutement des enseignants en Seine-Saint-Denis. Alors que la profession de professeur n’attire plus de façon générale, la situation en Seine-Saint-Denis est pire qu’ailleurs. Personne ne veut y enseigner, en raison de conditions de travail détestables. Le problème est si grave que Najat Vallaud-Belkacem avait mis sur pied, lorsqu’elle était ministre de l’Éducation nationale, un concours spécial pour les recalés du concours de l’enseignement, afin de les inciter à venir dans le 93. On l’avait alors accusé de vouloir remplir les classes de Seine-Saint-Denis avec des enseignants peu compétents. Autre problème soulevé par cette affaire, la question de la pénétration islamique à l’école. En 2020, Jean-Pierre Obin, universitaire et ancien inspecteur de l’Éducation nationale, avait fait paraître un ouvrage sur la question et qui avait fait grand bruit : Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école.
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