Le 16 février 2024, Nalvany, principal opposant à Vladimir Poutine, est mort en prison dans des conditions suspectes. Ce décès a provoqué une onde d’émotion en Occident. En ira-t-il de même avec le sort qui sera réservé prochainement à Julian Assange ? Depuis 2012, le fondateur de WikiLeaks vit incarcéré. Il a d’abord été accusé d’agression sexuelle envers deux suédoises pour des faits qui seraient survenus en août 2010. L’affaire a été classée sans suite par la justice suédoise en 2017. Avec le recul, elle ressemble davantage à un coup tordu pour discréditer le lanceur d’alerte. Un mandat européen lancé contre lui en 2012, l’a obligé à se réfugier dans l’ambassade d’Équateur à Londres, ville où il résidait.
Réfugié, cloitré et filmé 24h sur 24h, nuit et jour
Le président équatorien d’alors, Rafel Correra, n’a pas seulement offert l’hospitalité au proscrit. Il en a fait un citoyen équatorien… jusqu’à ce que cette nationalité lui soit retirée par Lenin Moreno. En 2019, le successeur de Rafel Correra fait bien pire. Il met un terme à l’asile politique d’Assange, le jetant dans la gueule des anglo-américains. « Une vengeance personnelle » selon son prédécesseur. En effet, WikiLeaks avait rendu public un compte secret au Panama de la famille Moreno… Durant ses années passées à l’ambassade, Assange a continué ses activités. Il recevait des activistes et des avocats des quatre coins du monde. Plus tard, on a découvert, par des images qui ont fuité, que la CIA avait truffé son appartement de caméras et l’avait observé nuit et jour pendant des années. Assange, privé de liberté, était aussi privé d’intimité.
Julian Assange, de héros à paria
Aussitôt expulsé de l’ambassade, l’ennemi numéro un des États-Unis est « cueilli » par la police britannique et jeté comme un criminel dans un fourgon. À la lumière des caméras, il apparaît vieilli, la barbe blanche, et visiblement très éprouvé psychiquement. Séance tenante, il est placé sous les verrous. Une place lui est déjà réservée dans la prison de Belmarsh. Situé dans la banlieue sud-est de Londres, l’établissement pénitentiaire est le plus sécurisé du Royaume-Unis. Les conditions de détentions y sont drastiques. Elles sont régulièrement dénoncées par les groupes de soutien d’Assange. Amèrement, ils ont baptisé Belmarsh : le Guantánamo britannique.
Idéaliste de tempérament, Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006. L’objectif qu’il s’était fixé était de rendre public aux citoyens de tous les pays des faits que les États préfèrent garder dans l’ombre, des dossiers classés secrets, des réalités hautement explosives. Cette messagerie sécurisée, rendant impossible le traçage des sources, a permis de recueillir la plus grande somme de documents compromettants jamais réunis dans toute l’histoire du journalisme. Ces documents accumulés dévoilaient entre autres la corruption de chefs d’État africains, les activités de compagnies russes offshore, des affaires d’espionnage et de violation des droits humains. En 2010, Assange est célébré par toute la presse internationale comme un génie, comme un héros. Les médias internationaux pillent sans vergogne WikiLeaks. Leur gratitude fera long feu. Suite aux accusations de viols (révélées fausses) ils le lâchent et l’enterrent sous un silence de plomb. La version officielle des États-Unis (Assange est un extrémiste ayant mis en danger les troupes américaines par ses révélations) est acceptée par l’immense majorité des journalistes de la planète, partant, d’une large part de l’opinion publique. « Ceux qui survivent dans la presse traditionnelle sont ceux qui pratiquent l’auto-censure. » avait une fois déclaré Julian Assange.
Sa condamnation porterait un coup dur à la liberté de la presse
Reporters sans frontières explique sur son site : « Journaliste, éditeur ou source journalistique, les points de vue divergent sur le statut de Julian Assange. Mais ce qui importe le plus, c’est la raison pour laquelle Julian Assange a été pris pour cible ». Si WikiLeaks n’est pas un journal proprement dit, l’organisation a contribué au journalisme : « La publication par WikiLeaks de documents classifiés a donné lieu à de nombreux articles d’intérêt public dans le monde entier « , rappelle RSF. « Les poursuites dont il fait l’objet (…) porteraient un coup sans précédent à la liberté de la presse« . Ils considèrent qu’une condamnation serait une intimidation envoyée aux journalistes de tous les pays, un avertissement pour quiconque se risquerait un jour à mettre le nez dans les affaires sales des États-Unis d’Amérique. C’est la grande crainte qu’Assange lui-même a exprimé depuis sa cellule de Belmarsh : « Je suis en train de mourir. Lentement mais sûrement. Je suis épuisé et j’ai perdu beaucoup de poids. L’isolement à Belmarsh me tue. Les contacts avec le monde extérieur sont rares. Tout cela parce que j’ai rendu publics des crimes de guerre. Pour que la société ouvre les yeux et pour montrer ce que les gouvernements taisent. Je suis en train de mourir, et j’ai peur que la liberté de la presse et la démocratie meurent avec moi. »
Julian Assange risque 175 ans de prison aux États-Unis
Julian Assange peut-être extradé vers les États-Unis au nom de l’extraterritorialité du droit américain. Ce privilège exceptionnel permet à la première puissance mondiale de poursuivre n’importe qui dans n’importe quel pays. Un des avocats d’Assange, maître Antoine Vey déclare à ce sujet : « Les États-Unis essaient d’être à la fois victimes, procureurs et juges, seule une justice internationale serait en mesure de véritablement faire la part des choses. »
Les États-Unis considèrent ce citoyen australien comme un homme à abattre depuis que WikiLeaks a diffusé en 2010 plus de 750 000 documents confidentiels américains prouvant des crimes de guerre en Afghanistan, en Irak et dans la prison ultra-sécurisée de Guantánamo. Hillary Clinton avait déclaré qu’il s’agissait « d’un crime contre la communauté internationale« .
Pour avoir publiquement et mondialement révélé des crimes de guerre américains, Assange risque 175 ans d’emprisonnement dans la prison ADX de Florence (Colorado). Il s’agit de la prison la plus sécurisée des États-Unis. La cour de promenade y est grillagée, empêchant les détenus de voir à nu la lumière du ciel. La santé mentale et physique de Julian Assange s’est considérablement dégradée au long de ses douze années de captivité. Stella Assange, son épouse et la mère de son enfant (né lorsqu’il était réfugié à l’ambassade d’Équateur) alerte : les États-Unis risquent de mettre son mari à l’isolement complet. Si cela advenait, Julian n’y survivrait pas. Elle enfonce le clou : « Les psychiatres qui ont examiné Julian en prison sont tous parvenus à la même conclusion : il risque de s’automutiler, de se suicider. » Les États-Unis ont assuré qu’incarcéré, il recevrait des soins cliniques et psychologiques nécessaires. Les soutiens d’Assange demeurent dubitatifs.
Un documentaire de 2021 intitulé Ithaka, retrace le combat de John Shipton pour faire libérer son fils. Le film est sorti en salle début 2024 et a été projeté récemment à l’Espace St-Michel à Paris. Dernièrement, CNN a évoqué à l’antenne un plan de la CIA visant à assassiner Assange. Révélation embarrassante pour la première puissance mondiale, pays héraut de la démocratie, mais qui n’est pas parvenu, malgré toute sa puissance, à imposer son modèle au Moyen-Orient.
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