Le 26 juillet 2023 les militaires prenaient le pouvoir au Niger. Le 27 novembre, la junte décidait d’abroger la loi de 2015 punissant le transport de migrants à des peines allant de deux à trente ans de prison. Dans un communiqué, ils dénonçaient un texte « voté sous l’influence de certaines puissances étrangères ». Derrière cette décision se trouve une revendication de souveraineté nationale inspirée par le rejet d’une politique européenne jugée coloniale. Ainsi, un proche conseiller du président Abdourahamane Tiani croit savoir « que la main de l’Union européenne était derrière cette loi. L’Europe avait besoin du Niger pour bloquer les flux de migrants. Cette abrogation est un acte de souveraineté. L’Europe considérait le Niger comme une extension de sa frontière pour empêcher les migrants de venir chez elle. » Cependant, il y a d’autres motifs à cette abrogation.
Tout le Niger profite de l’argent des passeurs
Le business des passeurs est une manne exceptionnelle pour ce pays d’Afrique de l’Ouest touchant la frontière sud de la Libye. Le manque à gagner suite à la loi de 2015 est estimé par le vice-président du conseil régional d’Agadez à 60 milliards de francs CFA (92 millions d’euros). Il dénonce des promesses non tenues par l’Union Européenne. Selon lui, elle s’était engagé au sommet de La Valette à financer à 475 milliards de francs CFA (722 millions d’euros) la reconversion des professionnels de la migration. Selon lui encore, seuls 10 % des personnes concernés ont été accompagnés. Avant la loi, un transporteur pouvait gagner 1500 euros par semaine. Rapporté au niveau de vie du pays, on comprend que cette activité séduise autant, surtout que tout cet argent ruisselle dans l’ensemble du pays. Il fait le bonheur, en plus des passeurs, des marchands d’essence, des chauffeurs de pick up, des garagistes, des cuisinières.
Un business trop juteux pour être abandonné
Trop rentable pour être abandonnés, les passeurs ont continué ce business clandestinement pendant huit ans. Aujourd’hui, ils sont escortés directement par l’armée qui en profite pour se servir au passage. C’est la raison pour laquelle certains d’entre eux tentent de contourner la route officielle. « On évite les taxes imposées par les militaires qui escortent le convoi jusqu’à Dirkou, et puis la route est plus rapide » raconte un chauffeur. Pour maximiser les profits, ils embarquent, en plus des clandestins, des marchandises de contrebande (alcool, drogues, cigarettes). Selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) les flux entre le Niger et la Libye ont doublé entre décembre 2023 et janvier 2024. Un passeur ne cache pas sa joie : « J’ai immédiatement prévenu mes contacts en Gambie, au Ghana, au Nigeria, pour leur dire de nous envoyer des migrants, explique-t-il. Ça fonctionne ! On enregistre une augmentation progressive des départs. La semaine passée, plus de cent véhicules sont partis. La semaine suivant l’abolition, on atteignait à peine quarante ». Le Niger est le point névralgique de l’immigration subsaharienne, la zone majeur de transit entre les pays du Golf de Guinée, le Sahara et l’arrière-pays méditerranéen. Depuis la chute de Kadhafi en 2011, provoquée par Nicolas Sarkozy et Barack Obama, l’immigration clandestine a remplacé le tourisme comme principal source de revenus.
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